Iolka "Ikpa" [Division Rouge]

Je vais la croquer ! C’est pas parce qu’elle est plus grande que moi que je vais me laisser faire !
La main gauche attachée d’un ruban dans le dos, je suis en finale de notre jeu de lutte, contre Iolka. Elle a trois ans de plus que moi et elle est super balaise, mais je ne compte pas me laisser faire ! On se toise, on se tourne autour.
Du coin de l’oeil, j’aperçois ma mère, Beluga, qui nous observe. J’ai un peu la pression. Ma grande soeur Yeva, elle, avait remporté sa finale, quand elle avait eu dix ans. L’âge que j’ai aujourd’hui. Son adversaire n’avait que deux ans de plus qu’elle. Il faut que je batte Iolka !

Je lance ma main pour attraper son épaule mais elle m’esquive et je manque de tomber à la renverse. Je fais volte face. Iolka feinte, je me fais prendre et esquive ce coup qui ne vient pas, me mettant en déséquilibre. Mon adversaire ne rate pas le coche. De sa main libre, elle attrape mon avant-bras et tire vers le sol. Je tombe lourdement et ma joue s’écrase dans la poussière. Merde.
Des cris de joie retentissent dans l’assemblée. J’ai perdu. Je me redresse et jette un oeil à ma mère. Elle me sourit, mais je vois bien dans son regard qu’elle est déçue. Iolka, bonne joueuse, me tend la main pour m’aider à me lever. Je la saisis et me remets sur pied. Nous nous donnons l’accolade de fin de combat et ma soeur Yeva nous rejoint pour délier ma main gauche.

- Pas si mal petite soeur. Tu t’es bien défendue, Iolka était vraiment trop forte.

Je suis dégoûtée.

||||||| Printemps 2144 : l’entrainement.

Depuis l’attaque de la Horde sur le campement, j’ai demandé à Molotov de m’intégrer à ses entraînements « de la mort » comme les appellent mes sœurs et Iolka s’est jointe à moi. Je veux être plus forte ! je ne veux plus voir d’amies tomber sous mes yeux ! Je ne sais pas encore quelle sera ma voie mais je dois progresser !
Les parcours de Molotov sont à la hauteur de leur réputation mais je m’en fiche ! j’enchaîne les obstacles le plus vite possible malgré la pluie qui rend la tôle des carcasses glissantes.
MOLOTOV - Allez, ça mollit tout ça, on accélère ! Lena, Ikpa ! Fin de parcours en sprint et vous enchaînez sur l’escalade du rack-bus !

L’un de nos bus de transport de matériel a été converti en obstacle d’entraînement. Un excellent outil pour apprendre à mener un assaut sur les véhicules de la Horde, ou d’autres ennemis. Avec Iolka, on se donne à fond pour gravir le véhicule avant de finir l’exercice en nous effondrant de l’autre côté.
MOLOTOV- Pas mal. Mais en conditions réelles, vous seriez à présent sur le carreau ! Vous avez intérêt de faire mieux à la prochaine séance !

IOLKA – Elle est jamais contente !
Rien que de me dire ça a demandé un gros effort à mon amie.

LENA – Les hordeux ne nous feront pas de cadeaux si nous flanchons. Elle a raison, demande à Yeva…

Je serre les dents tandis que la Doyenne retire la douille chauffée à blanc de mon avant bras et je reprends un rincée de tord-boyau. Il faut bien ça pour faire passer la douleur tout autant que la frustration. Elle me félicite pour cette nouvelle Marque. Cette femme, c’est la mère de Iolka. Ou plutôt “Ikpa”, comme on doit l’appeler maintenant, depuis qu’elle aussi a obtenu son vrai nom...
Je hoche la tête sobrement aux félicitations. Je n’ai pas envie d’en faire des caisses.
Une partie de moi est fière de recevoir cette nouvelle Marque, mais je crois que c’est surtout la petite fille que j’étais qui s’en contente. L’autre partie se récrie à l’idée qu’on me marque au fer rouge une nouvelle fois pour une tradition de clan. Pourquoi on a besoin de ça ? On s’entraide, on survit… pas besoin de se le marquer sur le corps. “J’ai plus de marques que toi !” Puéril.

Je me suis encore fâchée avec ma mère. Ca nous arrive vraiment souvent ces derniers temps. Elle voulait justement que je sois fière de l’honneur qui m’était fait. Une Marque, ce n’est jamais anodin, m’a-t-elle assuré. Elle me gonfle avec son attachement à ces traditions désuètes.
J’ai refusé que ce soit elle qui m’applique la Marque. Ikpa a arrondi les angles avant que ça ne dégénère et a proposé qu’on fasse appel à sa mère. J’ai accepté le compromis à contrecoeur. D’accord j’ai réussi à retrouver une patrouille qui était égarée depuis plusieurs jours par un temps exécrable, mais de là à se cramer à nouveau la peau…

En tous cas, elle peut se brosser pour que je me trouve un nom !

Mon dos heurte violemment la palissade et Ikpa maintient son avant bras sur ma cage thoracique tandis que de son autre main elle tient mon poignet pour m’éviter d’attraper mon arme. Elle a un vilain sourire sur le visage.

-Je me disais bien que ta silhouette me rappelait quelque chose, mais j’étais pas sûre… Je voulais pas créer d’incident diplomatique, mais tu tournais bien trop autour de ces prisonniers pour être honnête.

Ikpa a toujours été plus forte que moi et durant ces deux années où je ne l’ai pas vue, elle ne s’est clairement pas empâtée. Impossible de me défaire de son étreinte. Ce serait pure folie de toute façon. Derrière elle se tient Kerozen, qui joue nonchalamment avec son couteau. Elle me toise de haut en bas tandis que j’essaye de garder du souffle sous la pression du bras d’Ikpa.

-Sacré costume. J’avoue que je ne t’ai pas reconnue tout de suite, “Sofia la fugueuse”.

Elle se rapproche et je sens un frisson parcourir mon échine. Kerozen et moi n’avons jamais été en bons termes et j’aurais préféré éviter ce genre de retrouvailles. Je lui jette un regard plein de mépris et elle éclate de rire.

-Regarde-toi. Ce que tu es devenue. Quel gâchis.

Elle fait glisser son couteau sur mes habits de fourrure. La lame rencontre l’un des tubes lumineux qui l’ornent et elle le sectionne avec un sourire. Je me débats. Pas les Lumières Divines ! Je les ai méritées ! Mais impossible de me défaire de la poigne d’Ikpa. Elle poursuit.

-Franchement, je ne pensais pas te revoir.
-Tu crois que j’en avais envie, Kerozen ?

J’appuie volontairement sur ce surnom. J’ai eu une brillante idée ce jour-là.

-T’es vraiment une garce tu sais ? Ta mère a été anéantie à ton départ.
-Rien à foutre.

Kerozen me retourne une gifle retentissante. Ma joue chauffe instantanément.

-Tu perds rien pour attendre Sofia. On a une mission d’escorte. On a été payées. On fera le taf sans esclandre. Mais quand la mission sera finie, on discutera, toutes les trois. On a pas mal de choses à se dire.

Les deux Soeurs repartent en riant. Putain, elle m’a éclaté la lèvre. Elle s’annonce particulièrement bien cette mission.

||||||| Hiver 2150 : les Hurle-vent

IKPA – LENA !
LENA – Mais qu’est-ce que tu fous là ? Où sont les autres ?
IKPA – Elles reparties pour une mission d’escorte mais c’est une longue histoire. Et toi ?
LENA – on a trouvé pleins de trucs sympa à troquer pas très loin et Tara a décidé qu’il fallait venir ici.
IKPA- t’étais déjà venue chez les Hurle-vent ?
LENA – non. Mais Tara nous a dis de la jouer cool, que c’était des partenaires commerciaux réguliers.
IKPA – ouais c’est ça. Ils sont un peu archaïques à hurler à la lune tous les soirs et leurs fringues avec des lumières sont bizarres mais ce sont des bons guerriers et ils tiennent la parole donnée. Et ils savent qu’ils ne doivent pas nous manquer de respect.
LENA – Et c’est quoi l’énorme constriction qui surplombe le village ?
IKPA – C’est leur « barrage ». Ils le vénèrent comme un dieu. A priori, c’est grâce à ça qu’ils ont de l’électricité.
LENA – Sympa !
J’allais ajouter quelque chose quand j’ai faillis m’étouffer avec ma gorgée de tord boyaux : là bas, déambulant dans le village : Isis et Jolan ! Sérieusement ?
IKPA – Kerozen, ça va ? On dirait que tu as vu un fantôme !
Et merde ! Dans ma tête, cela va à toute vitesse et je prends un décision rapide et que j’espère ne pas regretter.
LENA – Ikpa, elle escorte qui Molotov exactement ?
IKPA – les copains de ceux qui sont là-bas. Un groupe un peu bizarre mais qui a eu le mérite de survivre. Tu les connais ?
LENA – Tu peux garder un secret pour moi ?
IKPA – bien sûr.
LENA – Les mecs que Molotov escorte et les deux là-bas, c’est le groupe auquel j’appartenais avant de vous rejoindre.
Sur le visage d’Ikpa, j’ai vu passer toutes sortent d’expression. La surprise puis la colère.
IKPA – ils t’ont fait du mal ?
Le ton est sec, cassant et je ne voudrais pas qu’Ikpa fasse une connerie pour moi, elle en est capable. Depuis que j’ai foutu le feu au temple, elle considère qu’elle a une dette envers moi et en ajoutant à ça notre amitié, je sais qu’elle fera tout pour me protéger.
LENA – Non, pas ceux-là. Celui qui m’a fait le plus de mal, je l’ai butté et l’autre, j’espère qu’il a crevé mais j’ai des doutes. Au fait, j’ai gagné une marque de plus !
IKPA- sérieux ? Raconte !

||||||| Hiver 2150 : un nouveau départ

J’ai regardé l’audience de loin pour qu’Isis et Jolan ne me reconnaissent pas et Ikpa est resté avec moi. Tara y a été convoquée par ce qui reste du conseil des Hurle-vent et elle nous a demandé de les accompagner. Le reste semble être parti avec leur chef Vassili et le reste d’Odyssée. Ikpa m’a raconté la capture d’Odyssée : a priori, il existe un bunker semblable à celui dans lequel j’ai grandis à quelques jours de marche dans les montagne et Odyssée s’y était installé pour l’hiver. Sauf qu’ils ont commencé à émettre avec la radio et il n’a pas été difficile à Molotov et son groupe de les repérer et de leur tomber dessus dans l’optique de les dévaliser et de les vendre en tant qu’esclave. Un instant j’ai pensé à Tristan. J’espère qu’il va bien !
Je vois entrer Isis et Jolan escorté par une Hurle-vent qui me paraît familière. De ce qui semble se dessiner, Jolan et Isis veulent accompagner Vlad, le technochaman des Hurle-vent, un mec vraiment bizarre, vers le bunker dans lequel ils étaient pour récupérer le cube mémoriel avant de rejoindre notre bunker avec le-dit cube. Je me demande ce qu’Isis compte obtenir de tout ça mais elle est futée et je suppose qu’elle ne veut surtout pas rater l’ouverture du bunker qui est pour ce printemps. Je me demande quel jour on est ?
VLAD- Tara, pourrais-tu mettre deux de tes guerrières à notre disposition pour cette expédition ? Contre rétribution bien sûr !
TARA – Kerosen et Ikpa feront parfaitement l’affaire ! Ikpa est une bonne guide et Kerozen a de la ressource quand on a besoin. Et les deux sont des guerrières redoutables.
Venant de Tara avec qui je n’ai jamais vraiment eu d’atomes crochues, le compliment me touche. Pourtant, la situation ne va pas être facile pour moi et il ne faut pas qu’elle se doute des relations qui me lient à Odyssée.
TARA – KEROSEN, TARA, escortez les prisonniers. Vous partez demain à l’aube.
LENA – Salut Isis, salut Jolan !
J’attrape mes deux anciens compagnons par le col, peut-être un peu plus fort que je ne l’aurais voulu. Et j’escorte Isis jusqu’à la case qui lui sert de chambre.
IKPA – ça va aller pour toi ?
LENA -T’inquiète pas, j’ai connu…
Je me fige au milieu de ma phrase.
LENA – Ikpa, là-bas, ça ne serait pas…

||||||| Eté 2146 : veillée
Les flammes du feu de camp éclairent nos visages d’une douce lueur, créant dans la nuit un îlot de lumière et dans les yeux des présentes une étincelle mouvante. Ce soir, Beluga nous raconte des histoires de l’extérieur et j’adore ça. Elle raconte aussi bien que Juno ou Chad mais ses récits sont bien moins rasoirs. Les Tchernoborgs, les Ombres Suffocantes, les zones mortes… Voire même le Déluge de Feu ou la Grande Mort... Des épisodes héroïques en mission, des découvertes fantastiques dans des ruines inexplorées, guidées par le « crépitomètre », un appareil que je n’ai pas encore eu l’occasion de voir… J’ai bien conscience qu’il y a une part de mythes derrière tout ça mais je m’en fiche. J’ai l’impression d’appartenir à une famille. A un clan qui soudé et invincible ! Pourvu que cela dure. Je donnerais ma vie pour chacune de mes sœurs.
IOLKA – Alors Lena, bonne soirée ?
Iolka est l’une des rares à connaître mon aversion pour mon surnom alors quand nous sommes entre nous, elle m’appelle toujours par mon prénom.
LENA – ouais, nickel !
IOLKA – tu veux du tord-boyau ?
LENA – tu veux me bourrer la gueule ?
J’ai dit ça sur le ton de la plaisanterie : je tiens de mieux en mieux l’alcool même si je suis loin du niveau de certaines filles. Avec Iolka, nous discutons encore tard dans la nuit, jusqu’à ce que ses lèvres rencontrent les miennes. Cela entraîne chez moi un mouvement de recul.
IOLKA – Allez, Lena, ça va être bon, tu vas voir.
LENA – c’est pas vraiment encouragé d’être en couple non ?
IOLKA – C’est pas être en couple, c’est juste se faire plaisir. Dans ce monde de merde, c’est trop rare pour ne pas en profiter.
Iolka replaque ses lèvres sur les miennes. C’est vrai que c’est bon. Je sens sa main desserrer mes vêtements avant de frôler mes seins. Je frissonne de plaisir, jusqu’au moment où elle s’aventure vers ma culotte. Là, j’ai l’image de Marc qui me revient en plein face ! Cela interrompt Iolka.
IOLKA – ça va Lena ? Tu me dis si je vais trop vite ou trop loin, hein !
J’entends l’inquiétude dans al voix de mon amie. J’hésite un instant et je prends ma décision : je ne laisserais pas cette pourriture de Marc me poursuivre ici, qu’il aille se faire foutre ! là où il est !
LENA – non, c’est bon, continue, c’est le pied ce que tu me fais !
Je plaque mes lèvres sur celle d’Iolka et nous reprenons où nous en étions.

> La mère d'Iolka est une doyenne. Le tattoo de sa lignée est une fleur native des plaines de sibérie, très résistante et parvenant à pousser sur les sols pauvres.