Délia IMOSHI

DÉLIA – Tu lis quoi Luther ?

Oh non pas elle encore… Je replonge le nez dans le Vicomte de Bragelonne et fais mine de ne pas l’avoir entendue mais bien sûr ça ne suffit pas pour arrêter Délia. Elle se presse contre moi et colle ses gros seins contre mon bras tout en lisant par dessus mon épaule.

DÉLIA – Le Vicomte de Bragelonne ? Je suis pas allée jusqu’au bout mais j’avais bien aimé le début. Peut-être que je pourrais le reprendre depuis le début. Tu me le prêteras quand tu l’auras fini ?
LUTHER – Laisse moi tranquille Délia.
DÉLIA – T’es mignon quand t’es ronchon tu sais ?

Ça me démange de lui coller une gifle mais je me retiens. Elle a beau avoir neuf ans de plus que moi, je suis beaucoup plus fort qu’elle et je pourrais lui faire vraiment mal. Et puis j’ai promis à Léo de bien me tenir. Je sais que cette promesse ne durera pas éternellement mais ça serait bien qu’elle dure plus de 2h…

LUTHER – Prends le j’en veux plus.

Je pose le bouquin sur la table et me lève pour retourner dans ma chambre. Bien sûr elle me suit, elle en a rien à foutre de ce bouquin, elle est encore là pour m’allumer.

DÉLIA – Ça me fait de la peine de te voir fâché contre moi. Contre les autres je comprends, rien que des connards… mais moi je t’ai rien fait alors pourquoi dès que j’essaye d’apprendre à te connaître un peu mieux tu m’envoies chier ?

Elle écoute pas quand on lui parle ou quoi ? Je craque et lui réponds avec toute le mépris dont je suis capable.

LUTHER – Parce que je t’aime pas Délia ! J’aime pas passer du temps avec toi ! T’es collante et t’es gonflante ! Voilà, t’es contente ?

Sa bouche s’ouvre et elle a l’air choquée par ce que je viens de dire. Je me méfie et à raison, même pas deux secondes plus tard elle sourit à nouveau.

DÉLIA – Oula, t’es vraiment en colère aujourd’hui. Je connais un truc qui pourrait te détendre allez viens par là.

Souple comme une anguille, elle se glisse derrière moi et commence à me masser les épaules. J’ai tellement envie de la frapper que je suis obligé de décharger ma colère sur le mur le plus proche et écrase mon poing sur le mur le plus proche. La plaque de plâtre s’enfonce sous l’impact du choc, encore un vandalisme à mon compte. Chiotte.

Délia sursaute et bredouille quelque chose à propos de Lena, sa fille de dix ans qui l’attend je sais pas où. Bien qu’elle parte le plus loin possible et pourvu que je ne la revoie pas de sitôt. C’est bien ma veine ça, me retrouver harcelé par cette hystérique…

Lena a une dent contre moi et me le fait bien sentir. Marc n’étant plus parmi nous, elle semble avoir besoin de diriger sa colère contre une nouvelle cible et je suis devenu son bouc émissaire. Il est rare qu’elle vienne directement exprimer sa rancœur mais je vois bien ses regards chargés de colère à mon intention.

Ma main à couper que c’est à cause de Délia…

Le cerveau malade de la mère de Lena ne semble pas aller mieux et cette folle n’a pas fini de me harceler. Depuis le début je prends sur moi mais il faut reconnaître à cette dingue une certaine forme d’intelligence puisque personne à part moi ne semble s’être rendu compte qu’elle est complètement tarée. Sa dernière lubie du moment, me rejoindre la nuit et dormir à côté de moi.

Lorsqu’elle fait ça, systématiquement je me réveille en sursaut et repousse cette hystérique. Une nuit, elle m’a fait particulièrement flipper et une gifle a volé. Elle me fait sortir de mes gonds et si elle continue comme ça, c’est moi qui vais finir par devenir dingue.

Sauf que bien sûr ni Lena ni personne ne voit ça. Certains pensent même que Délia et moi formons une sorte de couple très bizarre car cette tarée a fait courir le bruit que suite à une nuit d’amour je l’aurais mise enceinte.

Voilà un gros problème auquel je n’ai pas trouvé de solution. Pourtant il va me falloir faire quelque chose et vite car je ne vais pas tenir longtemps à ce rythme là.

Son corps, coincé sous le mien, se débat avec l’énergie folle du désespoir mais je ne faiblis pas et mes deux mains restent enserrées autour de son cou si fin et si fragile. Le visage pâlit, puis rougit, bleuit même et le corps arrête enfin de se débattre.

Je n’arrive pas à croire que c’est enfin fini. Délia ne m’importunera plus jamais puisque je viens de la tuer.

Il ne faut pas que je reste là… mais que faire du corps ? On va la chercher et on va voir qu’elle est morte étranglée.

LUTHER – Réfléchis…

Avec tous les loups dans le coin, le mieux serait qu’ils aient l’idée de bouffer son corps. L’odeur du sang devrait les attirer… Je sors un couteau de ma poche et m’apprête à percer l’estomac du cadavre de Délia mais ma main s’arrête à la dernière seconde.

LUTHER – Non, pas comme ça…

Mon regard cherche quelque chose de plus « crédible » mais les quelques pierres qui m’entourent sont soit bien trop petites soit bien trop lourdes pour que je puisse les soulever. Est-ce que j’y vais à coup de poing ?

Mes mains se mettent à trembler alors que j’entends les hurlements se rapprocher. Tant pis pour la crédibilité, j’y vais au couteau. Je perce son ventre de plusieurs coups et le sang se met aussitôt à couler me provoquant des haut-le-cœur.

Je me relève en titubant, hésitant à fermer les yeux encore grands ouverts de ce corps sans vie. Ces yeux… j’ai l’intuition qu’ils me poursuivront longtemps et pourtant je ne regrette rien.

||||||| 17 novembre 2117 : les racailles


- C’est pas parce que t’es la fille d’un dirigeant qu’il faut que tu t’croies meilleure que nous ! T’es qu’une naze, y a qu’à voir comme tu sais faire que travailler pour faire ta maline !

A nouveau, je suis bousculée. Cette fois, je tombe. Je me fais mal au genou mais je me mors la lèvre pour ne pas pleurer. Elles sont deux, à me surplomber : Délia Imoshi, une espèce de garce qui se moque de tout le monde et se croit intéressante grâce à ça, et Ambre, la grande fille de maman-Ta. Je crois qu’elle ne m’aime pas parce que sa mère passe tout son temps avec notre famille et pas avec elle, mais je n’y suis pour rien, moi !

Délia saisit l’une de mes tresses et la tire pour remonter mon visage vers elle.

- Regarde-moi quand j’te parle !

Je relève mes yeux embués de larmes vers la vilaine. Elle, elle ne m’aime pas juste par principe. Parce que je travaille en classe au lieu de me moquer de Boris. Parce que je suis sérieuse et que je révise au lieu de traîner avec des garçons. Parce que mon père est un chef du Triumvirat et que ses parents ne sont rien. Et sans doute est-elle jalouse de tout ça.

- T’es un laideron, regarde tes tresses ridicules. Aucun garçon ne voudra de toi, même si tes parents sont importants. Il te reste qu’à aller pleurnicher dans les jupes de tes frères et passer le reste de ta vie à prier votre Dieu débile.

Elle me repousse en arrière tandis qu’Ambre retourne mon sac par terre et marche consciencieusement sur mes affaires, s’essuyant particulièrement les pieds sur mon précieux cahier. Ne pouvant me retenir, j’esquisse un mouvement pour le récupérer et Ambre, voyant mon geste, a un sourire féroce.

- Non !

Les deux affreuses éclatent de rire et Ambre se penche pour ramasser mon cahier quand des pas rapides se font entendre dans le couloir. Sans demander leur reste, les deux hyènes détalent, me laissant seule assise par terre, essayant de retenir mes larmes.

- Oooh, Mercedes…

Je reconnais la voix de Lily-Ann, ma si chère amie. Celle-ci s’accroupit pour se mettre à ma hauteur et m’enlace les épaules.

- Ca va aller. Elles sont parties. Je suis là.

Je me retourne et pleure, enfin, dans les bras de ma sœur de cœur. Au bout d’interminables minutes, Lily se détache de notre étreinte, sèche mon nez du revers de sa manche et me sourit. Elle pose un baiser sur mon front et tend la main vers mes affaires éparpillées au sol. Elle saisit mon cahier et le colle contre mon cœur.

- Plus de peur que de mal. Garde-moi ça au chaud, je vais t’aider à ramasser le reste.

Mon cœur est gonflé de tant d’amour et de gratitude pour Lily. Elle sera toujours là pour moi, je le sais. Je l’aime.

||||||| 7 mars 2120 : Manque

JOSEPH – Non Delia, je ne peux pas te donner de Morphine !

DELIA – MAIS JE SOUFFRE !!! J’ai mal partout, à la tête ! Et puis, regarde, j’ai les mains qui tremblent et j’ai mal partout ! Allez Joseph ! Je ne peux même pas m’occuper de Lena !

JOSEPH – On en a déjà parlé Delia : tu es en manque. C’est difficile mais si je te redonne de la morphine maintenant, c’est un cercle vicieux.

J’admire le calme et la patience de mon chef. Il est définitivement un modèle pour moi et il faut que j’en apprenne un maximum de sa part parce que dans deux mois maintenant, il va quitter le bunker pour explorer l’extérieur. Cette simple idée me fait très peur mais je n’aurais pas d’autres options et puis, comme ça, je serais responsable d’Elle.
Pour en revenir à Delia, voilà un mois et demi qu’elle a accouché de Lena. La petite fille était assez grosse et sa mère a subi une déchirure vaginale importante. Pour limiter sa douleur, nous l’avons traité quelques jours avec de la morphine mais elle fait maintenant face à un syndrome de manque préoccupant. Et comme Delia n’est déjà pas, à la base, quelqu’un de très raisonnable…

DELIA – Tu n’as de cœur !

JOSEPH – Tu me remercieras plus tard. En attendant je peux te donner du paracétamol pour les maux de tête et du métoclopramide pour les nausées.

DELIA – C’est pas ça qu’il me faut et tu le sais !

Elle part en claquant la porte.

JOSEPH – William, tu peux aller voir Damon et lui dire rapidement que Delia ne doit pas rester seule avec Lena tant qu’elle est dans cet état là ?

WILLIAM – heu, oui !

Il pense vraiment à tout Joseph.